Qui n’a jamais été dérangé en soirée, parfois même en weekend, par des appels incessants de démarcheurs ?
Ils appellent via un numéro qui n’est pas celui clairement identifié ou identifiable d’une société, à toute heure du jour et jusque tard en soirée, pour vous vendre de l’isolation pour la maison, une solution d’investissement, une location de voiture…
Rien ne semble arrêter ces sociétés.
Les plaintes des consommateurs et amendes
Entre août 2018 et août 2019, la DGCCRF (la répression des fraudes) a recensé pas moins de 1 770 plaintes de consommateurs, uniquement sur le secteur de la rénovation énergétique (aide à l’isolation, changement de chaudière etc).
Et les amendes pleuvent.
En 2019 toujours, ce sont 2,13 millions d’euros d’amendes qui ont été infligées par Bercy pour démarchage illégal. Ce montant semble déjà énorme. Pourtant, il n’est toujours pas suffisant pour stopper la machine infernale de la pression téléphonique.
D’autant plus que ces appels ne sont pas seulement exaspérants et non-sollicités, ils souvent frauduleux. Ainsi pour 4 appels sur 10 il s’agirait de fausse offre ou faux service.
L’échec de Bloctel
Service gratuit mis en place par l’Etat en 2016, la plateforme Bloctel était censée protéger les consommateurs qui ne veulent pas faire l’objet d’appels de prospection téléphonique.
Il suffit de créer un compte, renseigner ses coordonnées et notamment le numéro que l’on souhaite protéger. Logiquement, les entreprises qui réalisent des campagnes de prospection téléphoniques devraient obligatoirement s’assurer régulièrement, au moins une fois par mois ou avant chaque campagne, que les personnes contactées n’ont pas expressément interdit le démarchage.
Cela devait être la protection antidémarchage par excellence.
Toutefois l’échec de ce dispositif est sans appel.
Les forums de protection des consommateurs regorgent de ces messages d’exaspération vis-à-vis des sociétés et appels incessants.
Très souvent, la numérotation est automatisée : vous décrochez mais il n’y a personne au bout du fil. En revanche votre numéro est ainsi testé et validé et vous serez rappelé encore et encore.
A d’autres moments, idem personne n’est immédiatement au téléphone, puis au moindre mot émit de votre part, un système vous connecte à un télévendeur.
Les chiffres vus précédemment, uniquement sur le secteur de la rénovation énergétique, démontrent très clairement que de très nombreuses sociétés qui pratiquent le démarchage téléphonique ne respectent pas Bloctel ni la volonté du consommateur.
Idées et astuces
Internet, c’est aussi une immense opportunité pour trouver et partager des pépites.
Sur certains sujets de forums ou blogs, on peut trouver des astuces et techniques de petits malins (c’est positif ici) pour se débarrasser des démarcheurs.
Le démarchage vous exaspère ? Devenez la bête noire de ces sociétés, avec humour.
Bloquer les numéros et les mettre sur liste noire ?
Oui bien sûr, le souci étant malheureusement que les sociétés utilisent des plages de numéros assez vastes. Vous en bloquez un, vous recevrez 10 autres appels de 10 autres numéros.
Certains, quand ils ont l’envie et le temps, jouent donc avec ces empêcheurs de tourner en rond en donnant de vrais rendez-vous à de fausses adresses.
D’autres encore se mettent immédiatement à parler dans une autre langue.
Perception du démarchage téléphonique en France
En juin 2018, OpinionWay a réalisé un sondage pour le compte de UFC Que choisir afin de connaître le ressenti des français vis-à-vis du démarchage téléphonique, et le moins que l’on puisse dire est que les résultats sont sans appel…
A plus de 90%, les sondés estiment que les appels sont trop fréquents et agaçants.
Si c’est vrai pour à peu près tout le monde, les personnes plus âgées et CSP+ ou retraitées sont davantage contre le démarchage.
Idem, à 88%, les personnes interrogées estiment qu’une loi pour encadrer strictement le démarchage téléphonique serait utile.
L’irresponsabilité du secteur
Malheureusement c’est souvent la même histoire.
Une marge de manœuvre et une tolérance sont accordées, tant que les acteurs d’un secteur respectent un minimum les règles du jeu.
Certains ne peuvent cependant s’y conformer et se retenir de se prendre pour des cow-boys.
A force de comportements toujours plus bordeline, les clients sont exaspérés, le marché devient ingérable et il faut finalement taper du poing sur la table.
Les défenseurs du démarchage téléphoniques crient à la catastrophe, affirmant qu’un pan de l’économie pourrait s’écrouler et menacer énormément d’emplois.
Tout comme d’autres s’écriaient que le RGPD signerait la mort des annonceurs web, des e-commerçants, des trafic managers etc.
Si les professionnels du secteur s’organisaient réellement pour faire respecter certaines règles, pour le bien à long terme de leur propre business, les mesures extrêmes ne seraient jamais nécessaires.
Projet de loi à l’étude
Face à ces plaintes et ces abus, un projet de loi est à l’étude à l’Assemblée nationale.
Celle-ci serait beaucoup plus ferme que le cadre existant.
Parmi les modifications prévues, notons le blocage automatique et systématique des numéros frauduleux, l’interdiction pour les centres d’appels situés à l’étranger de faire croire qu’ils sont en France, les appels le soir, pendant les jours fériés ou le dimanche et même aux heures des repas le midi.
Enfin, une interdiction totale de démarchage téléphonique dans le secteur de la rénovation énergétique, notamment pour lutter contre les fraudes à l’isolation à 1€, programme d’aide gouvernemental bien trop souvent détourné par des sociétés peu scrupuleuses.
Enfin, les amendes infligées aux contrevenants seraient multipliées par 5, passant de 75 000€ (pour les entreprises) à 375 000€. Une sanction qui devrait commencer à faire réfléchir.
Les exemples d’autres pays
Dans d’autres pays, la loi protège davantage le consommateur.
Sont ainsi repris comme exemple le Portugal ou le Royaume-Uni ont respectivement choisi en 2012 et 2018 de modifier les conditions d’appel : c’est la règle de l’opt-in qui prédomine. L’Allemagne a aussi fait ce choix.
L’opt-in signifie que le consommateur a clairement donné son accord pour recevoir une information commerciale, comme pour les emails ou le sms.
C’est l’opposé de l’opt-out, où on va considérer que vous êtes d’accord jusqu’à ce que vous exprimiez votre refus.
Pétition en ligne
C’est justement ce que défendent aujourd’hui plusieurs associations de consommateur (AFOC, Familles Rurales, CSF, UNAF…), UFC Que Choisir en tête.
Pour elles et pour d’autres experts, la nouvelle loi envisagée ne résoudrait pas complètement le problème.
La seule véritable façon de protéger les particuliers contre le démarchage téléphonique non désiré est de passer à la norme de l’opt-in.
La pétition a déjà enregistré à ce jour plus de 320 000 signatures.
Si vous souhaitez également la signer, c’est sur le site de l’UFC Que Choisir :